Comme toutes les histoires la mienne a un début, et une fin. La fin n'a pas encore été écrite mais j'ai longtemps pensé qu'elle serait proche. En effet, ce n'est pas facile de vivre avec la mucoviscidose et de ne pas être certain d'être encore vivant quand on se réveillera. On m'a diagnostiqué cette maladie lorsque j'avais cinq ans, et pourtant j'ai toujours l'impression d'avoir vécu avec, d'avoir toujours eu cette angoisse de la mort. Quand j'étais enfant mes parents ont tout fait pour que je sois un petit garçon comme les autres, pour que j'ai une vie heureuse et que jamais on ne me traite différemment. Pourtant rien ne s'est déroulé comme ils l'avaient prévus. Si tout se passait relativement bien, malgré les soins dont j'avais besoin, cela n'a duré qu'un temps. Deux ans, deux ans avant que tout ne s'aggrave et que je sois obligé de passer plus de temps à l'hôpital que dans ma propre maison. J'avais souvent besoin d'être sous assistance respiratoire et je connaissais mieux les médecins qui s'occupaient de moi que ceux qui étaient à l'école avec moi. Pourtant je faisais tout mon possible pour avoir l'air d'un petit garçon normal, pour ne pas que l'on me plaigne. J'ai toujours voulu plus que tout avoir une vie normale tant qu'il me l'était possible. Alors je me contentais de la vie que le destin avait voulu me donner, même si elle pouvait se terminer d'un moment à l'autre. J'ai toujours appris à être souriant et à faire face aux événements avec optimisme, même si ce n'était pas toujours évident. Je n'ai jamais voulu que l'on me prête une attention particulière et même si je passais ma vie entre l'hôpital et l'école, je voulais que l'on me considère comme un garçon normal, un garçon qui aime la vie et qui profite de la chance qu'on lui a donné. On m'a souvent dit que j'étais très souriant et très drôle pour quelqu'un qui avait une épée de Damoclès au dessus de la tête. J'ai toujours préféré que l'on fasse cette description de moi plutôt que celle du pauvre petit garçon atteint de la mucoviscidose qui était mourant. C'était rassurant pour moi de voir que malgré ma maladie j'arrivais à donner une image positive de ma personne et à ne pas m'enliser dans le rôle de malade que le destin avait choisi pour moi. Pourtant même si j'essaie de faire bonne impression, quand je pense à mon destin et à la mort qui peut frapper à n'importe quel moment, j'ai peur je suis effrayé. On pourra me traiter de lâche tant que l'on voudra, mais j'ai terriblement peur de mourir. Terriblement peur de ne plus jamais exister, de ne plus jamais revoir ceux que j'aime, de ne plus jamais rien sentir. Je ne sais pas ce dont j'ai le plus peur de la mort ou du néant. Si seulement quelqu'un pouvait me donner la certitude qu'après notre mort nous ne disparaissons pas définitivement, je pourrais mourir en toute quiétude. Mais comme on dit souvent, personne n'est jamais revenu d'entre les morts pour nous dire ce qu'il y avait après, c'est sans doute parce qu'après il n'y a justement rien. Alors dans ces moments là, je me dis que si ma destinée est de mourir jeune je dois l'accepter et ne pas vivre à la place de quelqu'un d'autre. J'essaie d'être brave et surtout de me montrer brave aux yeux des autres, mais tout le monde sait que face à la mort nous sommes impuissants et de toute manière je ne pourrais jamais rien y changer. Je vais mourir un jour c'est certain, mais je voudrais comme le commun des mortels que cela arrive après avoir eu une paisible et longue vie. Alors je me raccroche à ce qui me reste, de rester optimiste et de profiter des instants que je vis.
Enfin heureusement je ne suis pas tout seul pour affronter cette maladie, mes parents sont là et ont toujours été à mes côtés pour me soutenir. Jamais ils ne m'ont laissé tomber. Je sais que c'est très difficile pour eux de se dire que leur enfant va peut être mourir avant eux, mais ils arrivent à rester courageux face à tout ce qui m'arrive et à ne pas paraître trop effrayés. Je ne les remercierai jamais assez pour cela, j'ai simplement besoin qu'ils soient là à mes côtés et qu'ils me disent que tout va bien se passer, même s'ils n'en pensent pas un mot. Bien entendu mes parents ne sont pas les seuls à me supporter, j'ai des tas d'amis, enfin surtout des malades comme moi. On se soutient tous et on rigole en faisant le concours de celui qui restera le plus longtemps en vie, même si au fond de nous nous sommes tous pour la plupart terrifiés. Enfin mieux vaut ne pas trop y penser et se concentrer sur les choses positives. Parce que même lorsque l'on vit dans un hôpital il y a des choses positives, même si l'on ne s'en rend pas forcément compte. Par exemple, il y a Keth, cette infirmière tellement jolie qu'elle me fait tourner la tête. Cela fait maintenant deux ans que je vis pratiquement jour et nuit à l'hôpital, et jamais je n'ai vu d'infirmière aussi jolie et aussi attentionnée que Keth. Alors il y a quelques mois quand je sentais qu'il ne me restait plus beaucoup de temps à vivre, je lui fis une proposition. Après tout je n'avais plus rien à perdre, quand vous êtes mourant, vous ne vous souciez plus de rien. Je sais que ma proposition est très indécente et que cela ne se fait pas mais quant on est proche de sa propre mort on fait des choses insensées. Alors oui ce jour là je lui ai proposé de coucher avec moi, avec un sourire provocateur certes mais elle accepta tout de même. A vrai dire au moment où j'avais prononcé ces paroles j'étais sûr qu'elle accepterait. J'avais envie de profiter une dernière fois du plaisir charnel avant de ne plus pouvoir bouger. Ce même jour, elle m'avait dit que si nous couchions ensemble cela signifiait qu'elle m'inscrirait sur une liste de greffe. A ce moment là je pensais que ce n'étaient que des paroles en l'air, que jamais elle ne le ferait parce que de toute manière je ne voulais pas de cette greffe. Je ne voulais pas prendre la vie de quelqu'un d'autre sachant que j'étais destinée à mourir. Et même si la mort ne me rassure pas, je veux simplement suivre le chemin qui a été tracé pour moi et ne pas forcer le destin. Si je suis atteint de la mucoviscidose c'est sans doute parce que je ne dois pas vivre longtemps, et je ne peux rien y changer. Enfin cela a toujours été mon point de vue en ce qui concerne la greffe, même si je sais que peu de personnes le partage et que beaucoup aimerait voir mon nom inscrit sur cette liste. Dont Keth, c'est pour cela qu'elle m'a inscrit sans que je le sache. Pendant des mois je n'en ai rien su et je me suis contenté de profiter de ma relation avec Keth qui évoluait de jour en jour, plus je passais du temps avec elle plus je l'appréciais et plus elle m'était chère. Mais plus le temps passait et plus je me sentais faible. La maladie gagnait du terrain et tout le monde autour de moi semblait paniqué, je pensais alors que ça y est cette fois était la bonne et que ma fin approchait à grand pas. Seulement un jour Keth vint me trouver pour me dire que ça y est j'avais des poumons. Je restais incrédule sur le moment et lui certifiai que je n'en voulais pas, mais plus elle tentait de me convaincre plus j'avais envie de la croire. J'avais envie de faire ça pour elle en quelques sortes, alors j'ai accepté, j'ai fermé les yeux en priant que tout se passe bien et en priant pour revoir les beaux yeux de Keth en me réveillant, j'espère que tous mes vœux seront exaucés.

✿ La mucoviscidose est une maladie génétique qui est liée à la mutation d'un gène. On me l'a diagnostiqué lorsque j'avais cinq ans, je passais mon temps à tousser et j'avais de plus en plus de mal à respirer. Les deux premières années après le diagnostique j'ai pu vivre normalement mis à part le traitement que je devais prendre tous les jours. Puis mon état s'est progressivement dégradé, aujourd'hui je suis constamment allongé sur mon lit d'hôpital sous assistance respiratoire. Ce n'est pas la vie dont vous rêvez je sais. ✿ Quand vous vivez avec une maladie aussi grave que la mienne, cela vous forge un caractère, généralement malgré notre peur de mourir nous sommes plus fortes que les autres. Plus forts parce que nous avons appris à vivre et à grandir avec la mort. Si je suis atteint de cette maladie qui m'a empêché d'avoir une vie normale et qui certainement me l'empêchera jusqu'à ma mort, je me dis que ce n'est pas un hasard et que si le destin a décidé cela je dois l'accepter et vivre avec .✿ Je vis à l'hôpital depuis presque deux ans, je ne peux vivre sans assistance respiratoire ou du moins pas très longtemps avant que je ne fasse un malaise. Alors l'hôpital est en quelque sorte devenu ma maison, même si ce n'est pas la maison dont j'ai pu rêvé pendant des années. ✿ Je m'entends bien avec tout le monde dans l'hôpital, j'essaie de montrer que je suis fort malgré ce qu'il m'arrive et j'adore faire des blagues aux infirmières ou aux médecins. Je veux que l'on se souvienne de moi comme une personne joyeuse et non pas comme un pauvre malade. Comme je ne peux de toute manière bouger de mon lit, j'essaie d'être agréable pour le personnel soignant. En particulier pour la belle Keth, mais chut c'est un secret !